Initiez-vous à l’art du kintsugi : réparer la céramique avec élégance

kintsugi DIY
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Le kintsugi, qui peut se traduire par « jointure en or », est une méthode japonaise ancienne de réparation d’objets en céramique. Plutôt que de masquer les cassures, cette technique les souligne avec des matériaux dorés, leur fournissant une nouvelle apparence. Aujourd’hui, ce savoir-faire est accessible à un plus large public grâce à des variantes simplifiées qui en conservent l’esprit. Que vous soyez débutant en bricolage ou amateur de céramique, cette méthode propose une façon simple de prolonger la vie de vos objets préférés tout en explorant une vision du monde où les marques du passé sont prises en considération.

Origines et signification du kintsugi

Le kintsugi, aussi nommé kintsukuroi (« réparation en or »), a vu le jour au Japon au XVe siècle. Il repose sur la pensée wabi-sabi, une approche japonaise qui valorise les choses simples, abîmées ou modifiées par le temps.

Une histoire rapporte qu’un shogun, mécontent d’une réparation mal faite sur un bol à thé, a demandé qu’on trouve une méthode plus valorisante. C’est dans ce contexte que des artisans auraient commencé à mettre en œuvre cette technique dorée.

Traditionnellement, le kintsugi utilise la laque urushi, une résine issue d’un arbre asiatique, combinée à de la poudre d’or. Ce travail demande soin et temps, et donne à chaque objet réparé une présence visuelle différente, dont le charme réside dans ses particularités et son vécu.

Au-delà de la réparation, le kintsugi propose une façon de voir les choses : plutôt que de cacher une fracture, il peut être possible d’en reconnaître l’existence et de l’inclure dans la continuité d’un objet. Une perspective qui contraste avec la tendance courante à rechercher l’apparence neuve et l’uniformité.

« J’ai découvert le kintsugi lorsque j’ai accidentellement cassé une tasse qui appartenait à ma grand-mère. Je me sentais vraiment coupable, » explique Jeanne, 42 ans. « Plutôt que de m’en débarrasser, j’ai décidé de m’essayer à cette réparation. Cela m’a apporté une forme de calme et de réflexion. Après quelques mois, la tasse prenait une toute autre allure, une symbolique nouvelle. Elle est devenue un objet auquel je suis encore plus attachée, exposée dans mon salon comme témoin d’une forme de transformation. »

Ce retour d’expérience illustre comment le kintsugi dépasse le domaine technique pour toucher à quelque chose de plus intime. Chaque ligne dorée témoigne non seulement d’une fracture, mais aussi de l’attention et du soin apportés pour en faire une caractéristique de l’objet.

Matériaux pour le kintsugi : traditionnel vs DIY

Le kintsugi se pratique aujourd’hui avec deux approches : celle requérant des matériaux traditionnels rares, et celle adaptée à une pratique maison avec des éléments modernes :

AspectVersion traditionnelleVersion DIY
AdhésifLaque urushi (sève naturelle avec précautions d’usage)Colle époxy à deux composants
Élément doréPoudre d’or véritableMica doré ou peinture acrylique métallisée
Temps de séchageVariable (plusieurs semaines selon les couches)En général 1 à 2 jours
Coût moyenÉlevé (plusieurs centaines d’euros)Plus accessible (20 à 50 €)
SoutenabilitéMaintien solide à long termeRésistance suffisante pour un usage décoratif ou léger
VariantesGintsugi (argent), urushi tsugi (sans métal)Couleurs différentes, selon goût personnel

La méthode ancestrale combine des ingrédients spécifiques comme la farine de blé avec la laque pour coller, puis applique du kokuso urushi – un mélange traditionnel de riz, de fibres naturelles et de poudre de bois. Cette approche, plus longue, correspond à un artisanat exigeant.

Quant à la version maison, elle représente une alternative abordable et pratique. Elle permet, même avec peu d’expérience, d’obtenir un résultat visuel harmonieux et cohérent avec l’esprit du kintsugi.

Guide pratique pour débutants

Voici un mode d’emploi simple pour vous familiariser avec la pratique :

Matériel requis

  • Objet en céramique fracturé
  • Résine époxy transparente (deux composants)
  • Poudre de mica doré ou peinture métallisée
  • Récipients pour mélanges
  • Bâtonnets ou cure-dents
  • Pinceaux fins
  • Gants
  • Papier abrasif grain fin
  • Chiffon doux

Étapes détaillées

1. Préparation

Nettoyez tous les morceaux avec soin pour retirer poussière et saleté. Assurez-vous qu’ils soient bien secs avant de les manipuler. Placez-les pour visualiser l’assemblage à venir.

2. Mélanger la résine et la poudre

Suivez les indications du produit choisi pour mélanger la résine. Ajoutez peu à peu la poudre de mica pour obtenir une teinte dorée fluide, prête à l’emploi.

3. Assemblage

Appliquez le mélange doré sur les bords des éclats. Alignez soigneusement les fragments, maintenez-les ensemble jusqu’à ce que l’adhésion commence à se faire. Si besoin, stabilisez les parties avec du ruban adhésif.

4. Valorisation des lignes

Lorsque l’adhésion commence à durcir, apposez un peu du mélange doré sur les fissures pour accentuer leur visibilité. Cela renforce la dimension visuelle et donne une identité claire à l’objet réparé.

5. Finitions

Laissez le tout sécher selon le temps prévu. Poncez ensuite avec un papier très fin pour adoucir les bords et égaliser les lignes dorées. Nettoyez doucement pour révéler les détails métalliques obtenus.

Même si le procédé reste manuel et demande de l’attention, il permet de créer un objet qui conserve une fonction ornementale forte. Chaque restauration offre un résultat original, et reflète une forme simple d’expression personnelle.

Peut-on utiliser d’autres couleurs ?

Oui. Si l’or est traditionnel, rien n’empêche d’opter pour d’autres teintes comme l’argent, le cuivre, ou même des tons plus éclatants selon vos envies. Le principal étant de souligner la réparation volontairement.

Combien de temps faut-il ?

La méthode traditionnelle peut s’étaler sur plusieurs semaines ou mois. La version rapide, quant à elle, nécessite un à deux jours pour une réparation simple.

Est-ce compatible avec un usage alimentaire ?

Seules certaines colles époxy certifiées peuvent être utilisées pour un usage alimentaire. La résine traditionnelle, une fois sèche, y est généralement adaptée. Dans le doute, mieux vaut réserver l’objet à la décoration.

Comment nettoyer un objet réparé en kintsugi ?

Lavez à la main avec une solution douce, sans produit agressif ni immersion prolongée. Évitez micro-ondes et lave-vaisselle afin de préserver la couche dorée.

Et si une pièce est manquante ?

Il est possible de reconstituer des parties manquantes avec un mélange modelable de résine ou de pâte époxy teintée. Certains choisissent même d’y insérer un fragment différent pour renforcer la singularité de l’objet.

Le kintsugi dans le quotidien

Bien au-delà du bricolage, le kintsugi reflète une manière d’aborder les objets, mais aussi les situations de la vie. En reconnaissant ce qui a été fissuré, et en l’intégrant avec soin, on redonne à l’objet une forme de légitimité visuelle et émotive.

Face à un monde où les objets deviennent souvent jetables, cette approche incite à regarder autrement ce qui a subi des marques du temps. Elle offre l’occasion de transformer un petit accident domestique en une activité utile, voire enrichissante.

Cette démarche s’exprime aussi par l’attention portée au geste de réparation. Elle invite à ralentir, à se concentrer, à ressentir. Le temps passé à réparer devient alors un moment qui a du sens, loin du rythme habituel plus pressé.

Au fil des années, le kintsugi a suscité l’intérêt au-delà du Japon. On le retrouve dans des galeries, dans l’œuvre de créateurs, et dans la vie de ceux qui souhaitent conserver des objets ayant une valeur sentimentale.

S’ouvrir au kintsugi, c’est se rapprocher d’une manière plus attentive de considérer les choses. Cela permet peut-être de changer le regard que l’on porte sur les défauts et les surprises du quotidien. Ce qui était considéré comme perdu devient alors un point de départ.

Sources de l’article

  • https://www.entreprises.gouv.fr/espace-entreprises/etre-accompagne/annuaire-poles-competitivite/pole-europeen-de-la-ceramique
  • https://www.info.gouv.fr/portraits-de-la-relance/industrie/de-nouveaux-marches-pour-la-societe-des-ceramiques-techniques-sct